Suuns and Jerusalem In My Heart
Suuns and Jerusalem In My Heart
Secret City Records
***1/2
Deux piliers de la scène expérimentale montréalaise, Suuns et et Radwan Ghazi Moumneh, l’initiateur du projet Jerusalem In My Heart, s’allient dans une collaboration psych hypnotique qui saura en charmer – ou en décevoir – plus d’un.
Ce ne sont pas tous les fans de Suuns qui seront automatiquement satisfaits. Bien entendu, c’est surtout ce groupe qui a pris le projet sous son aile, ayant un bassin de fans plus grand et un accès à des labels plus universels, en l’occurrence Secret City et Secretly Canadian. On pouvait donc s’attendre à les retrouver dans une sorte d’album featuring. Sauf que l’auditeur est rapidement surpris: le projet se révèle dès le départ plus électronique que ce à quoi nous a habitué le groupe, résultat d’une belle osmose musicale et de contributions des deux parties. Oui, les riffs de guitares hypnotiques et la distorsion caractéristique du quatuor montréalais sont au rendez-vous, mais ils viennent s’accoler aux synthés nerveux et rapides, aux influences arabes et à la construction plus psychédélique de Radwan Ghazi Moumneh.
L’effort de mise en commun est visible, mais pas toujours très concluant. Les deux premières pièces, loin d’être mauvaises, donnent toutefois l’impression d’une très longue introduction alors que Self est réellement la première pièce qui capte l’oreille dans une écoute active et reste, à mon avis, la meilleure chanson du disque. Elle met en valeur le oud*, le chant arabe et de magnifiques drones vocaux, offrant de bons contrastes, pour se terminer malheureusement sur un fondu maladroit alors qu’elle aurait pu se poursuivre pour notre plus grand plaisir. In Touch, tout de suite après, vient nous rappeler que Suuns cosigne le projet, effaçant presque JIMH du spectre sonore – un de ces moments moins concluants dont je faisais la mention plus tôt.
Sans être trop agressif, comme le son habituel de Suuns, l’album joue plutôt finement sur des contrastes. Sur Gazelles In Flight, premier single de l’album, un son strident et martelé agresse l’oreille pendant les premières secondes pour finalement servir d’élément percussif dans une pièce quasi-méditative et très planante. Le même procédé se répète un peu partout, notamment sur 3attam Babey, avec ses synthés lourds et puissants – entrecoupés d’une séquence de chant – qui concluent le disque, pour entraîner l’auditeur dans un voyage hypnotique vaguement inquiétant, mais oh combien revitalisant. Une musique qui, bien qu’elle soit difficile d’approche, finit par charmer ceux qui osent s’y accrocher, autre vaguelette d’espoir dans une mer de musique populaire et populiste.
Parce qu’il faut le dire, ce n’est pas tout le monde, même dans le public cible des groupes, qui appréciera cette musique. La chose est plus ambitieuse qu’à l’habitude, plus élitiste et érudite, marquant des points sur la subtilité de ses textures plutôt que sur des riffs accrocheurs ou une musique électro vaguement dansante: ici, tout est introspection et nuance plutôt que force brute. Toutefois, qu’on apprécie ou non, saluons néanmoins l’effort de ces irréductibles gaulois perdus dans une inquiétante masse romaine.
*… ou pas. Faut dire que je ne suis pas le plus grand expert en instruments de musique arabe. Si jamais je me trompe, veuillez m’excuser et me remettre à l’ordre!