La file était déjà pas pire vers sept heures moins 10 hier soir à l’embouchure du Lion d’Or, dans le cadre de la quatrième soirée préliminaire des Francouvertes. Au programme : trois artistes aux univers différents qui ont tout donné pour leur public.
D’abord, Samuele. Dès le départ, on sent une présence forte, une aura transcendante, qu’on gagnera à découvrir tout au long de la prestation. Ses cheveux bleachés et sa poésie aussi touchante que vulnérable lui confèrent des airs à la Safia Nolin. On passe d’un folk noir aux accents jazzy à un blues sensuel, sur 12 Bar Blues, mené par la voix devenue mielleuse de la chanteuse montréalaise.
À ses côtés, les musiciens tirent leur épingle du jeu : un certain Lévis Bourbonnais arpente l’harmonica avec intensité, Alexandra la femme orchestre joue notamment de la taule et un batteur au nom qui échappe y va de rythmes à la fois fougueux et subtiles, particulièrement sur Rester ici. Samuele parle à la foule avec un naturel désarmant.
En bonus : une belle envolée poétique sur les droits des femmes. «Les femmes sont les mères, les sœurs, les amantes, les amies, mais trop peu souvent les prémices principales du récit», scande-t-elle, avec une intensité qui a de la gueule.
Puis, Deslandes et ses intonations à la Hugo Mudie, dans le sens de «beaucoup de brosses derrière la cravate». Ici, pas de zone grise : c’est un blues rock qui rappelle les samedis soirs du Deux Pierrots, les covers de Paul Piché en moins. Accompagné par deux musiciens, le chanteur au chapeau melon en cuirette chante avec une aisance évidente et fait «chigner» sa guitare (comme il le dit si bien) avec une efficacité indiscutable. Reste que la proposition musicale est datée et pas vraiment rafraichissante dans ses ramifications.
Les interactions, quant à elles, sont plus ou moins raffinées. «C’est pas moi qui est bipolaire, c’est la toune, mais dans le fond, peut-être que je le suis aussi, je sais pas», envoie-t-il, en guise de présentation pour Bipolaire. «C’t’une chanson poétique sur je sais pas trop quoi… Dans le fond, l’amour ou la déchéance… ou les deux», évoque-t-il plus tard, avant J’suis tanné d’être dans le noir. En termes d’éloquence et de pertinence, on a forcément déjà entendu mieux.
Le groupe de Sorel pouvait toutefois compter sur un public fidèle. «Merci à tous ceux qui sont venus en bus», a dit le chanteur à la toute fin, recueillant des applaudissements considérables. Cela n’a somme toute pas suffi à faire passer la formation dans le top 9, essentiel à un éventuel passage en demi-finales.
Enfin, Rymz et son rap sans demi-mesure. Les tables se tassent assez vite pour laisser la place aux très nombreux fans du rappeur, qui brassent la main dans les airs avec une conviction ardente. Fort du succès de son album Indélébile paru il y a quelques mois, l’artiste montréalais n’a qu’à ouvrir la bouche pour récolter un accueil dithyrambique. Vidéo à l’appui :
Très rude dans sa livraison sur son album, le rappeur s’adoucit un peu plus en spectacle, ce qui accentue les contrastes avec les refrains, évidemment plus fougueux. Sa livraison reste, somme toute, incarnée, notamment sur Je t’aime et Krève. De leur côté, les back vocals de son allié Farf et les rythmes frappants de son DJ Shash’U contribuent à l’édification de la bousculade musicale.
Malheureusement, il n’a pas, lui non plus, réussi à atteindre le top 9. Hypothèse probable : vu que les jeunes fans avaient pris le contrôle du devant de la scène, les jurés étaient fâchés de devoir se lever de leurs chaises pour voir/contempler les colliers argentés du rappeur.
Palmarès des préliminaires des Francouvertes 2015 après le soir 4:
2- Samuele
4- Yokofeu
7- Oli Laroche
9- Beat Sexü
Le party se poursuit la semaine prochaine avec Anatole, Mathieu Bérubé et Eugène et le cheval. Lundi 20h au Lion d’Or.