Avec Élise Jetté
La musique en français nous touche différemment. Elle vient nous chercher dans nos souvenirs les plus concrets. Elle met des mots sur nos vies quand on ne sait plus écrire, et le fait souvent bien mieux que nous-mêmes.
Voici donc ce que la francophonie nous a offert en musique cette année.
# 10 Jimmy Hunt – Maladie d’amour [Grosse boîte]
Eille, ça faisait trois ans que le beau Jimmy ne nous avait rien offert de neuf. Maladie d’amour nous a rendues… malades d’amour. Avec ses airs de Gainsbourg, ses barniques et sa voix tantôt aigüe, tantôt grave, il amène quiconque veut bien le suivre dans une vague rétro qui entraîne toutes les conventions sur son passage. Un son qui vibre loin et fort en nous et des paroles qui se donnent la permission de provoquer.
# 9 Forêt – Forêt [Simone]
Le projet Forêt d’Émilie Laforest et Joseph Marchand est le résultat d’une complicité et d’une exploration musicale laborieuse. Le produit, leur premier album homonyme, est orchestral, vaporeux et poétique. Les instruments, par dessus des instruments et d’autres instruments proposent une cacophonie calculée, un son dense découlant d’un travail d’équipe : François Lafontaine de Karkwa à la coréalisation, Pierre Lapointe qui prête un texte et sa voix au duo, Ariane Moffatt qui s’exécute au piano et, bien sûr, les textes enivrants de Kim Doré, qui oscille entre les mots évocateurs et les métaphores filées provoquant toutes les images du monde. Un album qui sort du sentier. Littéralement.
# 8 Klô Pelgag – L’alchimie des monstres [Abuzive Muzik]
Le piano sautillant, un peu de pizzicato et la voix haut perchée de Chloé Pelletier-Gagnon, un petit quelque chose de bohème, de bizarre et de forain, tout ça donne L’alchimie des monstres, le premier album de Klô Pelgag. Des paroles candides désarmantes de réalisme sont chantées comme une pièce de théâtre sur un son orchestral à fleur de peau. L’émotion transperce la voix, si franche, sur des thèmes parfois délicats, et il y a un petit quelque chose d’ailleurs dans les mélodies, comme si on se retrouvait tout d’un coup dans une fête foraine du début 1900 ou chez les Gitans. Un style complètement indéfini (ou infini) et un vent de fraîcheur.
# 7 Les soeurs Boulay – Le poids des confettis [Grosse boîte]
Voguant sur les eaux tumultueuses de l’amour, là où la peine et la joie se côtoient et se frôlent infiniment bien, les Soeurs Boulay ont semblé ressentir tout ce qu’on a déjà ressenti dans nos vies. Avec leur poésie délicate et leurs voix fragiles, elles ont donné un peu de charme aux amours passées de mode et à ceux qu’on entasse dans un sac à dos. Elles ont ravivé les larmes dues à ce gars dont on ne sera jamais la blonde et elles nous ont encouragées à boire des shooters. Juste pour ça, ça vaut une place de choix dans notre palmarès 2013.
# 6 Stromae – Racine carrée [Mosaert/Island]
Réinventer le dance, en français, sans être quétaine, tout en remettant en question la société et ses principes. Racisme, rupture et manque d’amour, aucun sujet n’est trop sombre pour être abordé sur de l’électro envoûtant. Stromae a d’autant plus prouvé cette année sa suprématie artistique en offrant à ses fans des stunts osés et risqués, actant et personnifiant les rôles principaux de ses chansons en plein Paris, sur des plateaux de télé et même dans le métro de Montréal. Si l’auteur-compositeur figure dans ce top 10, ce n’est pas seulement parce qu’on ne peut pas s’empêcher de bouger sur ses beats créatifs, c’est aussi parce qu’il prouve qu’on n’a pas besoin de parler de drogues, de fesses et d’abuser de l’auto-tune pour jouer dans les clubs.
# 5 Émile Proulx-Cloutier – Aimer les monstres [La Tribu]
Les personnages dans la tête d’Émile Proulx-Cloutier dansent tour à tour sur les notes du piano dans Aimer les monstres. Un premier album où les histoires deviennent réalité sur une toile de fond musicale magnifiquement bien exécutée. À la fois teinté d’une critique sociale qui questionne les paradigmes actuels, Aimer les monstres est paré d’arrangements surprenants et s’écoute comme un recueil de contes.
# 4 Tire le Coyote – Mitan [La Tribu]
Une guitare rauque, une voix claire, un vibrato sensible, une poésie taillée à coups de chainsaw. Sur Mitan, Benoît Pinette, alias Tire le Coyote, chante l’amour qui fait mal, l’impossible ou le défait, avec un country-folk sorti d’une autre époque. L’harmonica nous prend au coeur et introduit les mots sans métaphore, pour une musique qui nous renverse dès les premières écoutes. On arrête de crever le temps de dix chansons, le temps de se laisser transporter aux abords de l’île d’Orléans, pendant un hiver glacial. On calfeutre les failles, on s’emmitoufle et on se laisse aller à la beauté triste d’une poésie crue et au son lourd et chaleureux des mélodies.
# 3 Dead Obies – Montréal $ud [Bonsound]
Nous ne sommes pas le public cible de ce type de rap, nous n’étions pas prédisposées à aimer Montréal $ud, ce n’était pas prédit par notre voyante. Pourtant, on s’est surprises à écouter l’album de A à Z dans un road trip entre Montréal et Sherbrooke en se prenant pour des bad ass. Et peu importe ce que vous direz, on a ressenti quelque chose. En plus de proposer un son qui a son propre créneau dans la sphère musicale québécoise, ce n’est pas un rap comme les autres. C’est une musique qui dérange, qui casse des choses, qui te donne une claque s’a y’eule. Et c’est ça qui fait que c’est bon.
# 2 Alex Nevsky – Himalaya Mon Amour [Audiogram]
Nostalgique, amoureux, exalté. Alex Nevsky nous a fait passer à travers toute la gamme des émotions cet automne avec Himalaya mon amour, un album qui fait voyager notre esprit dans différents pays et dans différentes régions de nous-mêmes. En chuchotant son envie de partir ou en criant son désir de changer le monde, il détruit à coups de masse notre vision de la vie et de l’amour pour nous construire un nid douillet, ou une grande forteresse de mots, uniquement de mots.
# 1 Pierre Lapointe – PUNKT et Les Callas [Audiogram]
Briser les moeurs, à grosses gouttes de sang, de sexe et de regrets. Après PUNKT (février), Pierre Lapointe n’avait pas terminé. Il fallait onze nouveaux morceaux et des milliers d’autres mots et notes pour achever l’oeuvre grandiose. Au bout des longs soupirs, du piano limpide, et du goût déchu de l’amour, il y a Les Callas (décembre). Se décollant des sonorités électros de PUNKT, le second opus est principalement enrobé de piano et de douces mélodies poignantes qui nous avalent tout entier. C’est sans compter le magnifique duo avec Ariane Moffatt sur Les Callas, dans laquelle le canon est parfaitement exécuté. Une pièce dont le seul défaut est d’entrer dans la tête avec vigueur pour ne plus jamais en sortir.
Coups de coeur
Chantal Archambault – Les élans [Indica]
Pour son son brut, son country pur, dur et assumé et pour une poésie limpide plaquée sur des rythmiques étoffées. On aime les fignolages multiples des Élans qui le place loin devant La romance des couteaux, son premier album.
Jason Bajada – Le résultat de mes bêtises [Audiogram]
D’abord pour l’effort et le courage de sauter du côté francophone de la force et pour ses chansons d’amour qui ne tombent pas dans la complaisance et dans le couteau retourné mille fois dans la plaie. Pour la légèreté.
Loud Lary Ajust – Ô mon dieu EP [Indépendant]
Parce que la seule raison pour laquelle il n’est pas dans le top 10, c’est que c’est un EP. Parce que ce sont des paroles acérées, des mots qui n’ont jamais peur d’être prononcés. On aime ça pour l’assurance qui s’accroît à vitesse grand V.
Le Couleur – Voyage Love EP [Lison Lux Records]
Alléchant et juste assez kitsh, Le Couleur c’est notre back in the dayz favori. De la french-électro-pop langoureuse qui a su autant plaire à nos cousins françaisqu’à nous. Rythmé et intense, Voyage Love rappelle les soirs d’été qui ne finissent pas.
Avec pas d’casque – Dommage que tu sois pris [Grosse boîte]
S’inscrivant dans le sillon déjà tracé par Astronomie, Dommage que tu sois pris, c’est votre dose de lap steel et d’accords de guitare langoureux. Les ballades country, rythmées comme une promenade à cheval sous la neige, racontent des histoires de coeur brisé avec mélancolie, humour et une pointe de cynisme.