#5 Daft Punk – Random Access Memories [Columbia Records]
Parce que cet album donne un peu d’espoir quant à l’avenir du mot « pop » et ce en, jetant un coup d’œil empreint de tendresse vers le passé. Bien que Random Access Memories se place à la toute fin de mon palmarès, il s’y retrouve définitivement en pole position en termes de nombre d’écoutes. Extrêmement plaisant à l’oreille, le quatrième opus de Daft Punk est l’alliage parfait entre divertissement musical exemplaire et recherche formelle intelligente.
Bien que celui-ci ne révolutionne en aucun cas la musique électronique contemporaine, il imite, revisite et repeint légèrement le paysage du funk et de la disco des quarante dernières années, en y ajoutant la touche Bangalter et de Homem-Christo, bien entendu. Seize ans après la pièce Teachers, le groupe réétudie donc ses influences, en prenant bien soin, cette fois-ci, de leur faire prendre part au processus créatif de l’album. Parmi les invités, on retrouve Niles Rodgers, Paul Jackson Jr., Giorgio Moroder, Todd Edwards et plusieurs autres. Un bel hommage, réussi sur tous les points.
#4 Bibio – Silver Wilkinson [Warp]
Parce que cet album se laisse tout simplement écouter du début à la fin. Mélancolique, réconfortant, aux sonorités douces et apaisantes, Silver Wilkinson renferme une infinie tendresse, une admiration pour le naturel et l’authentique. L’auteur s’amuse, joue et déjoue non seulement les différents styles musicaux, en alternant de façon juste et transparente entre l’acoustique et l’électronique, mais aussi avec le langage musical en oscillant entre des compositions entièrement musicales, des balades folk comme la magnifique À tout à l’heure, et des hymnes pop, presque club, tel que You. Le tout, exécuté d’une main de maitre, Warp oblige, et ce, sans les circonvolutions intellectuelles qu’une telle entreprise aurait pu générées.
Silver Wilkinson est un album touchant et trop peu connu, surtout considérant son accessibilité.
#3 The Cyclist – Bones in Motion [Stones Throw/Leaving Records]
Parce que, cette année, tout le monde, même Boards of Canada, a essayé de faire comme lui, mais que personne n’a aussi bien réussi. N’essayez pas d’ajuster votre système de son, ne soufflez pas sur votre aiguille, votre équipement est en parfait état, c’est tout simplement The Cyclist qui s’amuse un peu avec vos oreilles. En effet, alors que la quête de sonorités rétro et analogues semble être le fruit obsessionnel de plusieurs musiciens de renom cette année, pensons seulement à la dispendieuse et laborieuse production de Random Access Memories de Daft Punk, c’est, à mes yeux du moins, cet anonyme producteur irlandais qui remporte la palme. Si vous êtes à la recherche d’un son brut, granuleux et texturé par les imperfections analogues des appendices musicaux physiques jadis imposés aux musiciens électroniques, ne cherchez pas plus loin.
Mécanique, froid et déterminé, Bones in Motion entraîne son auditeur dans un marathon sombre et introspectif, ne lui offrant répit que lorsque la pulsation du dernier temps de la dernière mesure a frappé. Bien sûr, même si la forme l’emporte ici sur le fond, les pièces de l’album, toutes fioritures mises à l’écart, restent très intéressantes.
#2 Dean Blunt – Narcissist II / The Redeemer [Hippos In Tanks]
Parce que Dean Blunt fait surement la musique la plus difficilement accessible qui soit facile à aimer et parce qu’il nous a autorisé à vivre sa peine d’amour et son deuil avec lui. En mai 2012, Hype Williams (Blunt et sa conjointe de l’époque Inga Copeland) proposait l’excellent black is beautiful, un album déconcertant, pastiche autodérisoire du paysage musical et culturel contemporain, mélimélo à la fois confus et empreint de sens.
Seulement quelque mois et une rupture plus tard, Dean Blunt revient à la charge avec The Narcissist II, un maxi d’une trentaine de minutes relatant justement ses états d’âme suite à sa douloureuse séparation. Alors qu’il aurait été facile de croire que ses tourments le poussent à sombrer dans un absurde encore plus prononcé, duquel il aurait peut-être eu bien du mal à se relever, Blunt propose quelque chose de plus conventionnel et compréhensible, sous toutes réserves bien sûr. Certes, le musicien utilise toujours les mêmes stratégies stylistiques pour dérouter son auditeur (coupures abruptes, échantillons en piètre état et sonorités agressantes pendant de longues périodes de temps), cependant, le fait d’avoir un sujet précis sur lequel s’appuyer, présenté de façon presque théâtrale, vient homogénéiser les pièces entre elles et rendre le tout plus concret.
Blunt, ayant perdu sa vocaliste en même temps que sa conjointe, prend parole sur la plupart des pièces, ce qu’il réservait auparavant à Copeland. La désinvolture avec laquelle il chante et son laisser-aller habituel quant à la production sonore des pièces rendent la peine et l’angoisse de l’auteur d’autant plus tangibles.
En mai, Blunt a sorti le LP The Redeemer, une observation plus détachée et rationnelle de sa rupture avec Inga, qu’il qualifie lui-même d’un album « pop » (veuillez noter les guillemets). Bien que, à mes yeux, cet opus soit moins percutant et troublant que The Narcissist II, puisque moins engagé à un niveau viscéral que son prédécesseur, la douleur s’étant peu à peu transformée en nostalgie côtoyant la solitude, cet album reste sans aucun doute le travail le plus facilement écoutable du musicien. Ce dernier délaisse en effet les figures de style trop abstraites et chante dans un registre mélodique. Pour l’ensemble de son œuvre en 2013, Dean Blunt se mérite la deuxième position du palmarès.
#1 James Holden – The Inheritors [Border Community]
Parce que ça sonne comme une tonne de briques. Plus de sept ans après la sortie de son premier opus The Idiots are Winning, Holden est revenu en force avec The Inheritors, un album d’une intensité, quant à moi, inégalée cette année. Drastiquement différent du travail antérieur du producteur, qui côtoyait presque le trance il y a de cela quelques années, le LP charme immédiatement. La pureté des sons, la force avec laquelle ils sont émis et l’attention méticuleuse portée aux détails révèlent le travail de moine effectué par Holden lors de la confection de son bijou.
Pendant près d’une heure et demie, on reste donc complètement hypnotisés, les oreilles grandes ouvertes, et on voyage. En utilisant le spectre sonore à son plein escient, en accordant une importance religieuse à chaque fréquence utilisée et en opposant des éléments sonores semblant être faits les uns pour les autres, Holden nous fait vivre une montagne russe d’émotions, nous projetant toujours plus près d’un but fixe, mais inatteignable. On a l’impression de se recueillir, d’être en communion avec la musique, ou encore d’assister à un rituel ancestral, sentiment renforci par la pochette de l’album, comme si Holden nous présentait le nouvel âge du techno, un retour aux sources.
Plusieurs mots pourraient être dits sur ce chef-d’œuvre de la musique électronique, mais ici, les sons parlent bien plus fort.
Merci à Cleveland sans qui cette liste aurait été presque vide.