#5 Night Beds – Country Sleep [Dead Oceans]
C’est la voix qui accroche l’oreille dès le début de ce Country Sleep. Une voix angélique, qu’on entend a cappella sur la première pièce, Faithful Heights. Cette voix, c’est celle de Winston Yellen, génie derrière le projet Night Beds.
La création de cet album peut s’apparenter au processus qu’a connu Justin Vernon pour la production du premier disque de Bon Iver. Yellen a perdu son emploi, sa copine, puis s’est évadé. Il a cherché la liberté, a vécu dans sa voiture pendant un certain temps, pour finalement aboutir à Nashville. Avec l’aide de prêts et probablement beaucoup de chance, il a pu louer une maison dans les bois datant d’avant la Guerre civile aux États-Unis, une maison qui a vu passer nuls autres que Johnny Cash et June Carter.
C’est aussi là qu’il a enregistré Country Sleep. Un album de folk acoustique, réverbéré à souhait, d’une grande profondeur, spacieux, mais qui sonne aussi comme un vieux plancher qui craque.
Mais ce qui ressort le plus de cet album, c’est encore une fois la voix de Yellen. On la remarque surtout sur Even If We Try, qui nous offre une bonne minute d’intenses envolées vocales. Précieux moment.
Il s’agit du premier disque de Night Beds, et il nous a déjà forgé un beau trésor. On a hâte de voir la suite.
#4 Hiss Golden Messenger – Haw [Paradise Of Bachelors]
Haw est à la base un album folk américain dans sa plus pure tradition. Sauf qu’ici, on ne prend pas les raccourcis faciles d’un Mumford & Sons ou d’un The Lumineers. Par exemple, dans Sufferer (Love My Conqueror), quand on arrive au bridge, là où on entendrait généralement un solo quelconque, on se tourne plutôt vers des arrangements de cordes au style baroque. Surprenant, au départ, mais ô combien rafraîchissant.
Le chanteur, M.C. Taylor, est particulièrement inspiré sur ce disque. Ça s’entend entre autre sur Devotion, douce ballade, simple, mais qui va encore chercher un aspect inédit avec de l’instrumentation et des arrangements plus inusités. Sa voix rappelle souvent celle de Ryan Adams, relativement aigüe et rauque.
Haw ne révolutionne pas le folk ni le country, mais il y ajoute des touches qui le différencient des autres œuvres du même type. Sur Cheerwine Easter, vraiment de nulle part, on nous sort un solo de sax jazzé qui, bien que surprenant, est en fin de compte vraiment pertinent. Ajoutons aussi que l’apport du guitariste hors pair William Tyler, dont l’album The Impossible Truth aurait aussi pu faire partie de ce top 5 folk, amène une dimension plus aventureuse.
#3 Phosphorescent – Muchacho [Dead Oceans]
Ne vous laissez pas déjouer par la première chanson de ce Muchacho, qui introduit dès le départ des synthétiseurs et des voix en harmonie qui rappellent Fleet Foxes. Un son éthéré, mais qui sera démenti dès la pièce qui suit, Song For Zula, plus introspective, et qui termine lyriquement en force : «So some say love is a burning thing / that it makes a fiery ring / Oh, but I know love as a caging thing / just a killer come to call from some awful dream ».
En fait, les huit pièces qui suivent Sun, Arise! (An Invocation, An Introduction) n’ont aucun lien avec elle. On se dirige plutôt vers un folk plus terre à terre, même si Matthew Houck, l’homme derrière Phosphorescent, sait aller chercher plusieurs éléments qui le différencient d’un folk américain plus convenu. Houck, après la tournée suivant Here’s To Taking It Easy (2010), s’est exilé à Mexico, et de là vient probablement le titre de cet album-ci, Muchacho.
La musique est parfois mélancolique, parfois chaude et ensoleillée. A Charm / A Blade en est la preuve, avec un refrain plus rythmé et chaleureux, que l’on entend déjà une foule chanter en chœur, et des couplets plus suaves.
La voix de Houck en elle-même est cassée, mais honnête. Il a parfois de la difficulté à rejoindre certaines notes, mais ça ajoute une couleur un peu broche à foin qui lui va bien. On aime l’ajout de cuivres, notamment sur Muchacho’s Tune, qui donne une couche presque mariachi à une pièce à la base country.
#2 Bill Callahan – Dream River [Drag City]
Ce Dream River, de Bill Callahan, baigne dans le lo-fi. On laisse chaque chanson prendre son temps pour éclore. Les textes sont épars, la musique, pas trop loin de ce qu’il nous avait habitué avec Smog et avec le précédent album qu’il a sorti sous son vrai nom, Apocalypse (2011). Sauf qu’ici, sa voix baryton rejoint des notes encore plus graves qu’auparavant. Et elle est posée sur une musique où se côtoient guitare électrique sous l’effet d’un phaser, percussions à main simplistes et autres flûtes. Le tout dans une ambiance douce mais profonde.
Il y a de la mélancolie, mais les thèmes peuvent parfois être plus légers, sereins, comme sur Spring, où il indique que le point fort de partir à l’aventure, c’est d’être avec une autre personne. Dans The Sing, il nous fait esquisser un petit sourire lorsqu’il avoue que « the only words that I’ve said today are ‘beer’ … and ‘thank you’».
Le tout est fait en subtilité, et ça joue en faveur de l’œuvre de Bill Callahan.
#1 Laura Marling – Once I Was An Eagle [Ribbon Music]
Laura Marling n’a que 23 ans, mais en est déjà à son quatrième album. Elle a été nommé deux fois au Mercury Prize, pour son 1er, Alas I Cannot Swim (2008), puis pour son 2e, I Speak Because I Can (2010). Elle incarnait alors à l’époque le renouveau du folk anglais. Pour son dernier effort, Once I Was An Eagle, la blonde troubadour a vraiment mis le paquet. Elle a déménagé de Londres à Los Angeles pour travailler avec le producteur Ethan John. Et le résultat est fabuleux. Les 16 chansons sont riches, sombres, douces, dures, tristes, lumineuses. Le son est ambitieux et ample, même si les pièces sont essentiellement composées de son jeu de guitare, ingénieux, et de sa voix, chaude et sexy.
L’album a été créé en 10 jours, avec comme seuls accompagnements une violoncelliste et les arrangements d’Ethan John. On y sent une urgence, mais le tout est calme, posé. Un chef-d’œuvre folk, qui nous restera en tête bien plus longtemps que le temps qu’il n’a fallu pour le créer.