Un album double, sombre, qui est aussi l’un des disques les plus intéressants de l’année.
Bienvenue dans l’étrange monde de monsieur Hungtai! Prenez garde, il y fait très sombre, c’est brumeux et sinistre, mais vous allez vite vous rendre compte que l’ingéniosité minimaliste de Drifters/Love Is The Devil envoûte à coup sûr l’auditeur dans l’univers du montréalais d’origine taïwanaise. Une partie de l’album a été enregistrée à Montréal et le reste à Berlin dans les studios de son ami Anton Newcombe, leader et fondateur du groupe mythique The Brian Jonestown Massacre. Les pièces ont été enregistrées alors que Hungtai vivait une douloureuse rupture amoureuse, et on le devine assez rapidement à l’écoute des morceaux…
Après le succès de son album Badlands sorti en 2011 et l’enregistrement de plusieurs bandes originales de films, Alex Zhang Hungtai est définitivement en pleine possession de ses moyens. L’authentique et captivant son du musicien ne laisse personne indifférent, Dirty Beaches ne sonne pas autrement que Dirty Beaches, cet album double le démontre bien. La première partie est nerveuse et grave, le blues lo-fi minimaliste est à l’honneur, le beat-box s’énerve. L’angoisse perpétuelle qui ressort des chansons est en parfaite harmonie avec les synthés. Sur Belgrade, ceux-ci sont quasi insupportables tellement ils sont stridents, ils semblent gueuler les démons de Hungtai. Sur Au Revoir Mon Visage, une boîte à rythmes affolée accompagne un chanteur en pleine psychose, celui-ci crie en français «Écoutez! Écoutez-moi là! C’est rien, rien, c’est juste un visage, au revoir mon visage! Allez vite! Vite! Vite! C’est juste une image». Le résultat est épeurant tellement c’est froid.
Le deuxième CD de l’album est la meilleure partie de Drifters/Love Is The Devil. Cette seconde moitié est entièrement instrumentale. C’est beaucoup plus planant, et surtout plus doux. On retrouve l’autre côté de Dirty Beaches, plus cinématographique de Hungtai. Celui-ci revient proche de l’auditeur, avec des morceaux plus évasifs qui laissent place à la réflexion et à la poésie sonore de l’artiste. La robotique Woman, chanson tout droit sortie d’un vaisseau spatial, la sensible et douce mélodie de la guitare sur Alone At The Danube River, ou encore la complainte d’un saxophone qui gémit perdue quelque part dans la brume opaque des synthés sur Landscapes In The Mist… voilà des chansons qui impressionnent par leur simplicité et leur caractère unique.
Enfin, n’ayez pas peur de l’ambiance sombre qui se dégage de l’album, vous pourriez louper l’une des œuvres les plus originales et envoûtantes de l’année.