Comme à chaque année au mois de mars, MTV nous a livré ça traditionnelle liste des 10 hottest rappers. La liste porte bien son nom, composé comme à l’habitude de trop de nom chaud, bouillant, dont la hype s’évaporera bientôt, ne laissant place qu’à l’absence de substance originelle de ces rappeurs. Honnêtement, la présence de Big Sean sur cette liste est au moins aussi drôle, que le fait qu’un rappeur de 5’5 se fasse appeler Big Sean.
Du coup, j’ai eu envie de réagir de la même manière que Tuukka Rask après une défaite en tirs de barrage de 6-5 contre le Canadien de Montréal, et que la chose soit dite, ça en prend beaucoup pour que je me comporte comme quiconque ayant un lien avec les Bruins de Boston.
C’est pourquoi, même si nous sommes ici fait de feu (et de volonté (et de Pepsi comme dirait Claude Meunier)), j’ai plutôt décidé de faire un top 10 des rappeurs les plus froids, de glace, dont le talent est là pour rester. Surtout que depuis dimanche, Winter is here. En bref, voici donc une liste de rappeurs qui ne pensent pas que le swag peut à lui seul garantir une carrière de longue durée dans le rap.
10. Rick Ross
«Well it’s one for the money, two for the show et la dixième place pour Rick Ross» comme dirait Elvis. Une dixième place simplement parce que nos hormones auraient eu beaucoup moins de plaisir cette année sans Rich Forever et Lemme See.
9. Jamai
Sans avoir le flow de 20some ou le charisme de Paranoize, Jamai est probablement le meilleur rappeur au Québec. C’est le bon gars, la version diète de Big L qui a prouvé, comme la légende de Harlem, qu’il peut être performant autant sur disque, qu’en freestyle ou qu’en battle. C’était plus que suffisant pour lui garantir une place ici.
8. Chester Watson
Certes, il n’a que 15 ans, mais j’ai toujours rêvé de voir ce que MF Doom faisait à 15 ans, maintenant que j’ai quelque chose qui s’apparente à une réponse, je ne vais certainement pas l’ignorer. Le style reste nostalgique sans que ça tourne au «j’aimerais que le rap soit comme en 1996.» C’est peut-être ce qui est le plus impressionnant.
7. Nas
Un choix facile. Quand un des cinq meilleurs rappeurs de tous les temps sort un album aussi bon que celui que Nas a sorti l’année dernière, un des meilleurs albums de rap de 2012 ça mérite la septième place.
6. Earl Sweatshirt
Il y a eu Katrina en 2006. Puis, il y a eu Odd Future Wolf Gang Kill Them All en 2011-12. Oui, la comparaison dépasse les bornes. Exactement comme l’excitation médiatique autour du collectif de Tyler, The Creator. Heureusement, les choses se sont calmées depuis. Les gars n’ont plus à concentrer leurs textes autour d’un hashtag. Earl peut aller chercher plus profondément dans ce dont il a vraiment besoin de parler, dans l’absence de son père, dans sa réalité «too white for the black kids and too white for the black». Il peut retravailler les cicatrices de son passé. Peur, stress et angoisse, et à travers cela, il peut être ce qu’il est devenu, un des meilleurs rappeurs de sa génération.
5. Schoolboy Q
Impossible d’être surpris, un gars qui tourne une chanson de Portishead en un poison sortant d’un ghetto blaster radio, dans le fond d’une ruelle, durant les épidémies de crack des années 80, c’est définitivement du hip-hop pour Feu à volonté.
4. Action Bronson
Game of Thrones, House of Cards, Homeland, The Newsroom, New Girl, Dowton Abbey How I Met Your Mother, Mad Men, ouais c’est bon, mais pour vrai, Action in the Kitchen! Action Bronson n’a peut-être même pas besoin de rapper pour être sur cette liste. «Get the Moet, get the Veuve Clicquot, get that beautiful salmon off the grill, this is what we’re about man, you feel me» ? Oh que oui Action, I feel you.
3. Kendrick Lamar
Fans de hip-hop, hipsters, douchebags, boy scouts, motards, intellectuels, prostitués, pèlerins, clowns, agents du SPVM, Dalaï-Lama, Rona Ambrose, Cupidon, la NRA, peu importe, on dirait que tout le monde aime Kendrick, et avec raison! Beaucoup pensent que je le déteste depuis mes 2000 mots de déception et l’analyse kierkegaardienne du dernier album de Kendrick que j’ai publié plutôt cette année, mais sans peur de me répéter, le rappeur de Los Angeles possède « un don pour le storytelling » et « le talent indéniable d’une écriture sensible poussée par le souffle en contrôle et la dextérité due son flow ». Je disais également que s’il le veut Kendrick se démarque des autres « par sa clairvoyance et sa perspective sur la réalité qui viennent défier les limites de son âge. » Ajoutant que « A.D.H.D. était empreinte d’une lucidité aussi déstabilisante que celle dont avait fait preuve John Lennon en écrivant In My Life. » Ce qui est en somme, loin d’être une mauvaise critique.
2. Killer Mike
Le vétéran de la Dungeon Family nous a offert l’année dernière le meilleur album de sa carrière et le meilleur portrait musical du déclin des États-Unis. Il en a profité pour réinventer le rap politiquement engagé et pour rappeler que le rap des États du sud ne se résume pas au Waka Flacka et Gucci Mane. Juste histoire de le dire au passage, c’est aussi le plus vieux pensionnaire de la liste à 37 ans.
1. Freddie Gibbs
Depuis 2009, Gibbs n’a jamais été décevant, il a même toujours été bon, au point qu’on attend toujours son premier mauvais couplet, la première faiblesse, le premier genou qui plie, la première hésitation dans le flow, mais ni pensez même pas. Si le rap est un piano, Freddie Gibbs est Glen Gould et le plus effrayant ce n’est pas qu’il n’a jamais été mauvais, c’est qu’il dépasse la constance, au point d’être en constante amélioration. Ce qui est encore plus surprenant c’est que son rap risque de l’amener encore plus high que son blunt. La preuve dans ce qui semble de façon assez malsaine, être plus proche du documentaire que du vidéoclip.
P.S. Si tu penses que Pusha-T, Roc Marcino, Ab-Soul, Homeboy Sandman, Gunplay, Big K.R.I.T., Joey Bada$$, Iamsu!, Shabazz Palaces ou Curren$y méritaient une place dans le top 10, tu as certainement raison, mais malheureusement un top 10 c’est petit. Alors, pourquoi s’être restreint, pourquoi ne pas avoir fait un top 20, parce que comme il vient d’être mentionné, ces artistes méritent (comme ceux qui le sont déjà) d’être dans un top 10. Pas dans un top 20.
P.S.2 Cette liste fut rédigée avant l’écoute de Wolf de Tyler, The Creator, dont la critique devrait paraître sous peu.