dirty_projectors_swing_lo_magellanFrank Ocean
Channel Orange

Def Jam
États-Unis
Note : 8,5/10

 

Souvent, on n’écoute pas la télévision. On ne fait que la regarder. C’est d’autant plus vrai, ces nuits blanches durant lesquelles on pose notre regard sur le téléviseur. Les images qui défilent alors devant nos yeux animent nos pensées inconscientes et vagabondes. Un peu comme l’hypnotiseur nous ferait le coup par les aléas de son pendule. Channel Orange est ce poste de télévision banal sur lequel on se surprend dans un état semi-conscient. Il n’est donc pas surprenant d’imaginer le chanteur Frank Ocean dans une quelconque chambre d’hôtel en train de s’endormir devant son téléviseur et d’y trouver soudainement l’inspiration pour son premier disque. Comme un livre ouvert, ou dans ce cas-ci comme un téléviseur ouvert, l’artiste y va de toutes les confidences. Il y dévoile d’ailleurs son attirance pour les hommes dans la pièce Bad Religion.

Frank Ocean a débuté sa carrière en écrivant dans l’ombre de plusieurs artistes pop. Il aurait d’ailleurs composé des morceaux pour l’ineffable Justin Bieber. Pourtant, ce n’est qu’avec le groupe de rap Odd Future avec Tyler, the Creator qu’il réussit à se tailler une place dans le monde de la musique. Le crooner noir fait quelque temps plus tard sa première apparition en solo avec un mixtape – Nostalgia.Ultra. Il y reprenait notamment un extrait de la chanson Electric Feel de MGMT. Ce mixtape lui vaudra une certaine reconnaissance dans le milieu du hip-hop. Si bien que Kanye West et Jay-Z le choisissent pour chanter les premières paroles de l’album Watch the Throne sur la pièce Church in the Wild.

Après cette courte apparition aux côtés des rois du hip-hop, il était évident que le premier disque de Frank Ocean serait attendu de pieds fermes par la critique. Et bien, le pari de l’homme propre des Odd future – il est le seul du groupe à porter des vêtements classes et à sa taille – s’avère fort réussi avec Channel Orange. Ce disque va plus loin que le simple mixtape par sa production détaillée et son instrumentalisation fouillée.

Roxane et Love in the Air Tonight se rencontrent dans la trame narrative du premier simple de ce disque. Le morceau raconte l’histoire d’une danseuse de cabaret se déhanchant aux Pyramides. Loin du mixtape, Frank Ocean confirme son talent de bombe musicale avec cette pièce très bien ficelée. Tous les fantasmes y sont permis, du synthétiseur effréné au solo de guitare à la Bon Iver. Avec ses dix minutes, on suppose que Pyramids deviendra ironiquement un futur succès des soirées de monsieur dans les quelques coins malfamés de la ville. Sweet Life, de son côté, est la réponse simple de l’artiste aux ambitions parfois trop élevées que la société nous incite à avoir. La meilleure pièce du disque réside par contre dans Bad Religion. Construite comme une prière sous un orgue d’église, elle raconte les secrets de Frank Ocean avec une sincérité sans pareil. Cette chanson est à ranger parmi les meilleurs de l’année.

Après tous les épisodes de ce disque, on ferme et on réécoute plus tard. Et c’est avec espoir que l’on se livrera à nouveau aux histoires de Frank Ocean en réalisant que certaines confidences ne peuvent se faire en zappant d’un jour à l’autre.

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