Alors que Montréal est le théâtre de manifestations nocturnes à chaque nuit depuis bientôt un mois, on vous propose une liste de chansons qui décrivent bien l’ambiance très spéciale qui règne au Québec en ce moment. Des chansons épicées, dirait-on…
The Clash – Guns of Brixton (Arcade Fire cover)
Bien sûr, la version originale de Guns of Brixton aurait été de circonstances, mais cette interprétation du groupe montréalais Arcade Fire rajoute un petit quelque chose sombre à la chanson. Ne serait-ce que pour les voix chantées au travers d’un mégaphone, transformant les «You can crush us, you can bruise us» en slogans de rue. Et quand on sait que le groupe appuie les étudiants québécois, la chanson prend tout son sens.
Gil Scott-Heron – The Revolution will not be Televised
La chanson The Revolution will not be Televised de Gil Scott-Heron aura été l’une des plus féroces critiques de la société américaine du début des années 1970. Le texte d’Heron décrit parfaitement l’aliénation que subissait la communauté afro-américaine à l’époque. Il rappelle les conditions de vie misérables dans les quartiers noirs des grandes villes américaines. Heron est en colère et on le sent très bien. Il dénonce la culture populaire blanche américaine conservatrice qui dominait la sphère politique, économique, médiatique et culturelle du pays. Supporté par un excellent trio (flûte, batterie et basse), Heron chante ses vers d’une manière rap, et ça rentre au poste! Sa manière de chanter sera d’ailleurs considéré par plusieurs comme l’une des premières chansons rap à avoir été endisquée.
Bright Eyes – Landlocked Blues
Même si beaucoup de chansons québécoises me trottent en tête ces temps-ci, de Lettre à Lévesque à Libérez-nous des libéraux, j’ai choisi d’y aller de plein fouet avec une chanson qui a été écrite par rapport à la guerre d’Irak. Je suis complètement abasourdie par la sensibilité et la justesse du propos au coeur des paroles et de la musique de cette pièce. J’ai choisi cette chanson parce qu’elle aborde le fait que ceux qui se battent sont les jeunes et que cela est inconcevable. Une jeunesse menacée ne pourra jamais aller bien loin. J’affectionne d’autant plus cette phrase « But it all boils down to one quotable phrase: If you love something, give it away ». En bon français, cette bagarre tient son origine du fait que « si tu aimes quelque chose, on voudrait que tu t’en départisses ». Ne vous départissez pas de votre éducation jeunesse québécoise…
Félix Leclerc – L’alouette en colère
Une chanson toujours d’actualité. Cette pièce, de notre valeureux Félix Leclerc, rappelle trop bien ce que nous vivons présentement. Des jeunes qui rêvent d’une éducation accessible à tous, tel que nous la connaissons partiellement, et qui se font rabrouer par le système rouillé, paresseux et lourd des boomers, qui ont eux-mêmes tentés de se faire entendre dans les décennies passées. Pas étonnant que l’on sent, dans le tréfonds de nous, malgré nous, entre la chair et l’os, s’installer la colère…
Public Enemy avec Anthrax – Bring the Noise
Les plus récentes études en thanatologie ont démontré que lorsque Viatcheslav Molotov est mort en novembre 1986, son âme n’aurait pas disparu avec lui. Elle aurait plutôt subi une série de mutations avant de renaitre un an plus tard, en novembre 1987, sous la forme d’une chanson: Bring the Noise. Lorsqu’inséré dans l’album It Takes a Nation of Millions to Hold us Back, le tout forme alors le produit le plus inflammable lancé durant la guerre froide.
Oui, c’était surement inévitable qu’un style musical dont la genèse eut lieu sous le règne Reagan ait une dimension contestataire, mais il aura fallu Public Enemy pour que la contestation du rap se fasse réellement entendre au-delà de son auditoire afro-américain. Pour qu’elle vienne gangrener – dans le sens le plus positif du terme – le confortable rêve américain.
Rage Against the Machine – Killing in the Name
«Fuck you I won’t do what you tell me!». On ne pourra reprocher à Rage Against the Machine de tourner autour du pot. C’est dans la chanson Killing in the Name, lancée en 1992 et devenue depuis un réel hymne pour le groupe américain, que le chanteur Zack de la Rocha utilise ces mots pour dénoncer le racisme dans les agences gouvernementales. Plus généralement, ce morceau incite à se révolter, tout simplement, et à ne pas s’en laisser imposer par les autorités.
Country Joe and the Fish – Feel Like I’m Fixing to Die
Feel Like I’m Fixing to Die est probablement l’une des chansons de protestation contre la guerre du Viet Nam qui a été la plus popularisée. Réalisée en 1965, elle a empreint les mémoires au fil des concerts grâce à son air joyeux sur lequel Country Joe Mcdonald chante la triste réalité de la vie d’un soldat envoyé outre-mer. Il fredonne candidement «What are we fighting for? […] / Well there ain’t no time to wonder why / Whoopee! we’re all gonna die» pour témoigner de l’absurdité du conflit. Feel Like I’m Fixing to Die s’inscrit d’ailleurs dans le mouvement hippie, dont Woodstock est la matérialisation la plus marquante. La version du festival nous montre de jeunes baby-boomers assis dans l’herbe, une mélodie, un message et le symbole d’un des plus grands mouvements de contre-culture contemporains.
Boris Vian – Le déserteur
En 1954 sur un coin de table, aux aguets de sa bien-aimée, Boris Vian donne vie à ce qui deviendra par la suite l’une des plus grandes complaintes de guerre: Le Déserteur. De façon pacifique, mais avec plein de chien, Vian lance cette «lettre» dans un contexte d’après-guerre, alors qu’en Algérie et en Indochine, les déboires du colonialisme éclatent. Pendant près d’un an, les derniers vers de la version originale seront tus. Quand Vian se décide enfin à lui-même interpréter sa complainte, c’est l’audace qu’il choisit : «prévenez vos gendarmes; que j’emporte des armes; et que je sais tirer.»
Minutemen – Bob Dylan Wrote Propaganda Songs
Pour ceux qui ne savent jamais quelle partie prendre, j’ai pour vous une chanson qui semble être à la fois contestataire et insipide. C’est un peu l’image dont voulait projeter le groupe post-punk Minutemen. Leur nom, inspiré d’une milice patriotique dont faisait partie le héros américain Paul Revere, était blasé et ironique. Ce dont Minutemen semblait revendiquer était l’affranchissement d’une musique punk se dissociant des mouvements anarcho-punk et autres groupes militants/activistes. La chanson « Bob Dylan Wrote Propaganda Songs » n’est toutefois pas entièrement impartiale. En 1983, Bob Dylan, chrétien « born-again », n’était plus le chanteur folk révolutionnaire d’autrefois. Dylan symbolisait l’échec de la génération « Peace & Love ». Du reste, un peu de headbang au son de Minutemen, ça va du bien à tout le monde.
Il y en a évidemment bien d’autres, mais on ne peut pas toutes les lister en même temps. Bonne contestation!