Def Jam
États-Unis
Note : 7/10
The Roots s’est toujours un peu présenté comme une alternative à ce qui se fait généralement dans le rap. Après tout, ils avaient bien promis sur Illadelph Halflife de « never do… what they [les autres] do ». Ce 13e album pour le collectif de Philadelphie ne fait pas exception à la règle, alors que le groupe s’attaque à son premier album concept. C’est un risque. Le treizième tour de piste sera-t-il chanceux pour la troupe de ?uestlove et Black Thought?
The Roots nous présente donc Undun et du même coup Redford Stephens, dont le groupe nous présente la vie… en commençant par sa mort. Impossible d’ignorer cette mort sur Sleep, un morceau habilement mixé, avec la voix et l’écho au-dessus de la complainte musicale en reverb: « All that I am, all that I was is history / The past unraveled, adding insult to this injury ».
On retiendra également de l’histoire de Redford le trio One Time, Kool On et The OtherSide. Trois pièces pour illustrer le parcours, pas toujours facile, de celui qui devient dealer, un choix assumé au final: « But when that paper got low so did my tolerance / And it ain’t no truth in a dare without the consequence ». Undun expose aussi, quelque part entre les erreurs et les remords, la mélancolie lointaine, sur le soul I Remember, ainsi que le désespoir suicidaire, sur Tip the Scale.
Pour ce qui est de la musique en elle-même, c’est un savant mélange pour unir l’univers du conte avec celui du Hip-hop. ?uestlove vient réaffirmer ses talents de producteur et de batteur. Sa lourde batterie vient toujours renforcer avec justesse les ambiances Soul et Funk plus douces, commeun deuxième battement de cœur. Les racines (oui, je sais, bon gag) du groupe sont ici bien présentent.
Malgré tout cela, Undun n’est pas parfait. Entre autres parce que c’est justement un album concept et que malgré la bonne technique, à tous les niveaux, le concept lui n’est pas maîtrisé. Black Thought n’arrive pas vraiment à donner vie au personnage. Il nous offre richement les rimes, les idées, les valeurs. C’est sérieux. Peut-être trop, il manque les émotions et les sentiments, c’est un peu le rap du street fonctionnaire. Ça aurait été important que le narrateur de la vie de Redford, réussisse à donner à ces propos toutes les dimensions nécessaires pour les animer.
Puis il y a la grande finale, l’orchestration en quatre mouvements, qui semble être une superbe idée en théorie, mais qui atterrît assez maladroitement et sans justifications à la fin de l’album. Cette grande finale sonne très bien, mais n’apporte rien à l’histoire de Redford. Le problème c’est que c’est celle-ci qui devrait être la base de la construction de l’album.
Sinon, il y a une petite déception à voir qu’on invite Sufjan Stevens, mais qu’on refuse le défi d’essayer de mélanger les styles sur une même chanson. L’exercice avait pourtant été réussi avec Joanna Newson sur le dernier album du groupe, How I Got Over. Pour finircette montée de lait… expliquez-moi ce refrain sur Lighthouse?! C’est sensé être The Roots, pas Maroon 5!
Si Undun possède toutes les qualités d’un excellent album, il n’a pas réussi à donner vie à Redford Stevens. On attend toujours l’impulsion qui devrait venir de ce protagoniste trop terre-à-terre. Du coup, c’est tout le concept qui souffre de ce manque de charisme. Pour un album concept, ça ne pardonne pas.