Anti Records
États-Unis
Note : 8/10
Sept ans se sont écoulés depuis la sortie du dernier opus de TomWaits. Avec une discographie regroupant pas moins de dix-sept albums studio, ce vétéran du folk américain n’a déjà plus rien à prouver pour ce qui est de la qualité de son art. Déjantée, théâtrale, ambiance empreignée de blues organique, la musique de Tom Waits a toujours eu cette particularité d’être unique en son genre, reconnaissable parmi mille. Son dix-septième album studio, Bad As Me, vient somptueusement le confirmer; chaque mélodie nous téléportant dans un univers différent, une chanson à la fois.
Comme pour ses albums précédents, Tom Waits s’est entouré d’une équipe de haut calibre composée principalement de son épouse et co-productrice, Kathleen Brennan; du guitariste Marc Ribot qui vient, encore une fois, rehausser la prestance des titres par son jeu de guitare sans égal; ainsi que de Casey Waits, déstabilisant pour une eunième fois l’auditeur par ses percussions saccadées. Fait notable: la présence du réputé Keith Richards sur certains titres, qui avait déjà apporté sa touche aux albums Rain Dogs et Bone Machine.
Dès les premières notes de l’album, l’on reconnaît tout de suite le personnage. Tom Waits nous mène vers des contrées sonores où s’entre-mêlent fanfares sinistres, cris primitifs, batteries fièvreuses et chorales funestes. Jouant d’ambiances de cabaret à mi-chemin entre gospel enflammé et folk brut, le crooner américain s’époumone en nous parlant de guerre sur Hell Broke Luce, de romance (Kiss Me) ou encore d’exil (Chicago).
Des chansons comme Bad As Me, pièce-titre de l’opus, décoiffent par leur ardeur, rappelant ses albums précédents, teintés d’une rythmique envoûtante. Sur des pièces plus douces comme la sinistre Last Leaf, il se met à nu, nous fredonnant des bribes d’un passé perdu. Subtile éloge à la solitude automnale: « I’m the last leaf on the tree / When the autumn wind blows / they’re already gone » , nous sursurre-t-il.
L’un des éléments-clé caractérisant l’art de Tom Waits a toujours été son timbre de voix unique. Impériale, rocailleuse, à la limite du grommellement; une voix quasi inhumaine qui a le mérite de nous transporter, nous guidant vers des allées encore inexplorées. Une voix constituant ainsi un instrument à part entière. Sur Bad As Me, le conteur Waits manie habilement cet instrument hors-norme, certifiant par le fait même ses talents de poète.
Sans nécessairement réinventer l’art de Tom Waits, ce dernier album fascine tout de même par l’urgence créatrice qui en émane. Les pièces, d’une richesse rare, contribueront à édifier Bad As Me, comme l’une des oeuvres marquantes de la discographie de cet artiste unique.